Up and down..Bipolaire? Cyclothymique? Montagnes russes émotionnelles?

Anne-Françoise Meulemans

" Pourtant, d'autres versions de l'histoire sont aussi possibles en lien avec les mêmes événements. ", André Grégoire
Aujourd’hui, grâce à toute une nouvelle technologie et l’IA en est le fer de lance, le diagnostic médical s’est affiné et joue un rôle capital. Que ce soit pour des problématiques physiques ou psychiques, le diagnostic aide à nommer une souffrance, de définir les symptômes et bien évidemment, et cela est capital, d’élaborer des traitements. Mais il permet aussi une reconnaissance sociale. Être compris, reconnu amène souvent un soulagement, même s’il s’agit d’une maladie grave voire incurable. Enfin des mots sont dits, une histoire apparaît. En Approche Narrative, nous disons que ce qui n’est pas raconté n’existe pas. Mais attention, nommer peut se transformer en étiquetage. Et à ce moment, l’étiquette devient une nouvelle identité se substituant à l’histoire de la personne.
Mais si on décollait l’étiquette afin d’ouvrir un nouvel espace expérientiel et permettre une autre façon de raconter l’histoire ?
Le diagnostic, une étape essentielle
Il serait stupide et criminel de sous-estimer un diagnostic posé par un expert compétent. Ça apporte des clarifications. Ça permet d’orienter, de guider le patient dans un parcours parfois long et compliqué. Les soins sont beaucoup mieux adaptés à la pathologie lorsqu’elle est bien ciblée. Parfois, le diagnostic est attendu comme la reconnaissance d’une souffrance. « Je sais que ce que j’ai est réel et enfin je suis entendu.e et reconnu.e ». Par exemple, les doubles diagnostics (troubles de la santé mentale + addictions), le covid long sont des problématiques très difficiles à cerner.
Mais le piège se referme lorsque le diagnostic, au lieu d’être une ressource, enferme. Il cesse d’être un repère pour devenir une nouvelle identité.
La personne ne vit alors plus une histoire dont la maladie et son diagnostic font partie mais devient « le bipolaire », « l’addict », « le dépressif ». Le récit de la personne alors se fige et tourne exclusivement dans les murs d’un vocabulaire médicale : c’est l’entrée dans le récit unique.
Séparer la personne et le problème
L’Approche Narrative nous dit que la personne est la personne et que le problème est le problème, ce qui nous amène à la conclusion que la personne n’est pas le problème. Mais concrètement, comment faire ? Elle propose un processus nommé « externalisation ». Externaliser consiste à aider la personne à parler de sa relation au trouble et non plus à parler d’elle-même comme étant le problème. Celui-ci devient une « entité » séparée que l’on peut interroger, décrire, situer dans l’espace et le temps. Cela révèle qu’à certains moments, le problème est moins présent ou que la personne est capable d’y résister. Parfois, très petitement, mais malgré tout, ce sont des actes de résistances ou des « espaces » préservés.
Refuser de réduire la personne à une catégorie pathologique ou « dépathologiser » n’est absolument pas ignorer la réalité traumatique mais ça restaure un espace de narration personnelle. La personne n’est plus réduite à un cas ou à un dossier, mais il est question d’histoires. C’est bien la personne et ses histoires qui sont regardées. En Approche Narrative, nous disons que nous sauvons les mots et que ça permet de réparer des histoires.
Il est donc demandé à l’accompagnant une toute autre posture que celle d’expert. Il est un témoin de récits qui par son questionnement aide la personne à redécouvrir son pouvoir personnel comme par exemple : ses espoirs (parfois oubliés), ses expériences de résistances déjà vécues, ses liens, sa capacité à être elle-même une personne ressource, etc.
Deux regards et une voie
Il n’est absolument pas question d’opposer la vision narrative à la vision médicale. Chacune fonctionne selon des logiques différentes. La médecine nomme et identifie, l’Approche Narrative questionne, raconte. Il est plus qu’indiqué et bienvenu que des ponts entre les deux démarches se créent. La précisions des diagnostics nous est indispensable tout comme la pluralité des récits.
En redonnant à chacun la possibilité de narrer sa propre version de l’événement, de la maladie ou du trouble, la pratique narrative offre un espace où le diagnostic ne clôt pas le récit, mais devient un chapitre parmi d’autres.
Redevenir auteur de sa propre histoire au-delà de toutes les étiquettes, vaste programme, magnifique aventure.
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Anne-Françoise Meulemans
Anne-Françoise Meulemans
Pierre Duray
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