Up and down..Bipolaire? Cyclothymique? Montagnes russes émotionnelles?

Anne-Françoise Meulemans

Anne-Françoise Meulemans

Addictions, Adultes, Bien-être au travail, Écoles, Famille - Parentalité, Relations amoureuses et couples, Seniors, Soignants, Haut potentiel- Autisme de haut niveau (anciennement Asperger), DYS-TDA-TDA/H-TSA (autisme)

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Sonder les profondeurs de l'âme, monter haut à en toucher les étoiles et apprendre à rester bien ancré, à se recentrer, à trouver les ressources qui nous mettent en lien avec le monde et avec nous-même. Entre la valse des étiquettes et les vécus de chacun, qu'est-ce que la bipolarité?

La bipolarité est un trouble de l'humeur, caractérisé par des variations importantes de l'humeur , cad des états d'âme. Il se manifeste par des périodes de dépression majeure, qui peuvent inclure des envies suicidaires et aller jusqu'au passage à l'acte, ainsi que des périodes de manie, où la personne peut ressentir une euphorie excessive.

Imaginez un rollercoaster: les wagons roulent sur des rails et sont censés rester sur les rails. Lorsque tout va bien, les wagons avancent sur le circuit en toute sécurité dans les hauts comme dans les bas.. Mais lorsque les wagons commencent à se décrocher , on perd le contrôle, et 'tout fout le camp': on parle de bipolarité .Les émotions et les pensées deviennent de plus en plus instables, et les wagons peuvent dérailler, emportant la personne dans des directions imprévisibles.

Il y a des wagons qui peuvent rester sur les rails alors que le parcours est extrême, et d'autres qui sont très vite déstabilisés sur un parcours beaucoup plus doux. Chacun a sa vulnérabilité propre, qui peut varier au cours de sa vie et de ses expériences de vie.

Dans les deux cas, la personne peut se mettre en danger ou mettre en danger ses proches. Lorsque les wagons déraillent, la personne peut perdre le contrôle de ses émotions et de ses actions, ce qui peut avoir des conséquences graves.

Le but du traitement de la bipolarité est d'aider la personne à maintenir ses wagons sur les rails, en apprenant à gérer les fluctuations d'humeur et à prévenir les déraillements. Cela peut nécessiter une combinaison de thérapies, de médications et de stratégies de gestion du stress.

Parc, Montagnes Russes De Montagne

Lorsque la médication est nécessaire, elle peut aider à stabiliser les émotions et à rétablir un équilibre, permettant ainsi aux wagons de rester sur les rails. C'est comme si la médication agissait comme un système de sécurité qui aide à maintenir le train sur les rails, même lorsque les wagons commencent à décrocher.

Les principaux types de troubles bipolaires peuvent être comparés à différents types de wagons circulant sur le roller coaster qu'est la vie.

Le trouble bipolaire de type I, le plus connu de la population est comme un wagon express qui roule à toute vitesse sur les rails, avec des wagons qui sont parfois décrochés dans les sommets du circuit par des phases de manie intense, qui peuvent être accompagnées ou suivies d'épisodes dépressifs qui font décrocher le wagon dans les 'creux' du circuit..

Le trouble bipolaire de type II est comme un un wagon un plus lent mais encore inconfortable car on frise la limite de sécurité qui est parfois déstabilisée par des phases d'hypomanie et de dépression, peuvent le faire vaciller bien fort mais sans le faire dérailler complètement.

La cyclothymie est comme un wagon beaucoup plus lent mais encore légèrement instable, inconfortable qui vacille légèrement sans jamais dérailler. Les fluctuations d'humeur sont moins sévères que dans les troubles bipolaires de type I et II, mais elles peuvent encore causer des problèmes pour la personne qui en souffre.

Comme un cadavre dans le placard?

Il existe un tabou global entourant tous les troubles, qu'ils soient physiques ou mentaux, comme le cancer et d'autres maladies somatiques. La vulnérabilité du corps, tant somatique que mentale, nous rappelle notre finitude, la mort et la douleur. Notre inconscient, surtout s'il est angoissé, rejette cette idée. Nous constatons que, grâce à la connaissance, nous appréhendons de manière de plus en plus éclairée les troubles de la santé physique, qui sont plus faciles à décrire et à palper. Les troubles mentaux, en revanche, restent encore largement redoutés en raison de leur manque de compréhension.

Nos connaissances sur les troubles mentaux sont encore en pleine élaboration, et leur compréhension varie en fonction de l'histoire et de la culture de chaque société. Notre manière de les appréhender est également influencée par nos modes de représentation du moment. Notre compréhension de la maladie mentale n'est pas objective, comme on le souhaiterait, mais subjective et empreinte de nos préjugés. On peut le voir dans les différents traitements proposés pour la maniaco-dépression, qui peuvent aller d'une interprétation mystique avec de l'exorcisme à une vision très "scientificisée" avec des traitements électriques ou chimiques puissants, ou même à une approche plus fonctionnaliste visant à comprendre le sens de ces troubles.

Le tabou entourant les troubles mentaux tient à une peur de ces troubles, allant jusqu'au déni (par exemple, "les psys, ça sert à rien, tout est dans sa tête"). On peut également voir cela dans la façon dont les personnes atteintes de troubles mentaux sont perçues, comme le "fou du village" qui est quasi intégré dans la structure du village, ou la vision selon laquelle "dans leur famille, ils ont tous un grain" (c'est-à-dire une prédisposition génétique ou transgénérationnelle). Cependant, notre compréhension des troubles mentaux évolue constamment, et nous devons chercher à adopter une lecture plus intégrative et évolutive, tout comme les troubles mentaux eux-mêmes évoluent avec le temps. Cela signifie que nous sommes toujours "en retard" dans notre compréhension des troubles mentaux, mais que nous devons continuer à chercher à les comprendre et à les traiter de manière plus efficace.

Suis-je bipolaire?

Se rendre compte qu'on est atteint de bipolarité, c'est un peu comme réaliser que son train de vie est en train de dérailler.

Reprenons l'image du roller coaster: le wagon roule sur les rails. Mais soudain, on se rend compte que le wagon commence à se décrocher, qu'il prend des virages serrés et que vous vous sentez déséquilibré

Les hauts et les bas de la bipolarité, c'est un peu comme les montées et les descentes abruptes d'un roller coaster. Vous pouvez vous sentir comme si vous étiez au sommet du monde un moment, et le suivant, vous vous sentez comme si vous étiez en train de tomber dans un gouffre. Les wagons de votre train de vie peuvent commencer à se décrocher, et vous pouvez vous sentir comme si vous étiez en train de perdre le contrôle.

Vous pouvez vous sentir comme si vous étiez en train de

  • manie ou hypomanie: monter une pente raide, avec une énergie excessive même s'il y a dépression, une impulsivité qui peut amener à etre plus créatif ou plus productif, ou à prendre des décisions hâtives, à avoir des comportements à risque comme une consommation excessive d'alcool ou de drogues, des comportements sexuels à risque, des troubles du sommeil et une confiance excessive
  • dépression : descendre une pente abrupte, avec une tristesse, des problèmes de sommeil (insomnie ou hypersomnie), des pensées ou des comportements suicidaires, perte d'intérêt pour les activités qui étaient autrefois agréables, des changements d'appétit, etc. et une désespérance profondes
  • changements d'humeur rapides et imprévisibles: prendre des virages serrés, avec des hauts et des bas allant de la dépression à la manie ou vice versa avec sensation de perte de contrôle de votre train de vie, avec des difficultés à maintenir des relations stables, à conserver un emploi, ou à gérer vos finance

Si on se reconnaît dans ces sensations, il est important de consulter .

Il est important d'être diagnostiqué pour plusieurs raisons :

Un diagnostic précis permet de comprendre les causes des symptômes et des comportements et de recevoir un traitement adapté et personnalisé. La bipolarité est un trouble qui peut être traité avec succès, mais il est important de comprendre les causes de vos symptômes pour pouvoir les gérer de manière efficace.

Un diagnostic permet de réduire la stigmatisation et la honte associées, d' améliorer la qualité de vie, réduire les symptômes, prévenir les complications ( santé physique, problèmes de relations qui peuvent être catastrophiques et irrémédiables, problèmes de travail, etc...)

Peut-on mener une vie "normale", quand on en est bipolaire?

Il est tout à fait possible de mener une vie "classique" en étant bipolaire. Cependant, cela nécessite souvent une certaine stabilisation, une prise en charge adéquate de son trouble et une bonne compréhension de soi-même. Il est important de trouver un équilibre entre les différentes facettes de sa vie, comme le travail, la parentalité et la vie sociale, pour éviter les débordements et les crises.

Imaginons notre wagon qui roule sur les rails, parfois déstabilisé par des phases de manie ou de dépression. Avec un bon apprentissage de bonne conduite, un bon mécanisme de freinage et une bonne maintenance, il est possible de rester sur les rails et de continuer à avancer. C'est un peu comme cela que je vois la vie d'une personne bipolaire : il faut apprendre à gérer ses émotions, à reconnaître les signes de déstabilisation et à prendre les mesures nécessaires pour rester sur les rails.

C'est là que la clé de la réussite se trouve : dans la capacité à se connaître soi-même, à comprendre ses propres mécanismes et à apprendre à les gérer. Avec cela, il est tout à fait possible de mener une vie "classique", avec un travail, une famille, des amis et des activités sociales, tout en étant bipolaire.

Pourquoi fait-elle peur à la personne qui en souffre, au point que beaucoup la taisent ?

Nous sommes entourés de nombreuses personnes bipolaires que l'on ne soupçonnerait pas d'être atteintes de ce trouble. Et comme le tabou reste, notre représentation du trouble bipolaire reste coincée dans une représentation archaïque de cas "d'école", de cas extrêmes qui trouvent une résonance particulière dans notre inconscient collectif et individuel.

C'est grâce aux personnes qui se dévoilent, comme celles qui osent dire "je suis bipolaire", que la représentation se fait plus ajustée, et que l'on se rend compte qu'il n'y a pas de "cadavre dans le placard", mais pour cela, il faut oser ouvrir le placard. C'est sans doute aussi grâce à un effet pervers des médias, qui cherchent des scoops et des histoires sensationnelles, que le "coming out" psychiatrique peut faire la une et générer des ventes. Mais il est plus simple de témoigner pour des personnes publiques, car leur histoire est plus "sexy" que si madame Pipi annonce à son entourage qu'elle est bipolaire.

Pourquoi est-on ou devient-on bipolaire ?

La bipolarité est un trouble complexe qui implique une combinaison de facteurs génétiques (Une histoire familiale de bipolarité ou d'autres troubles de l'humeur, des anomalies génétiques spécifiques, telles que des mutations dans les gènes impliqués dans la régulation de l'humeur et du stress), environnementaux (traumatismes, tels que les abus physiques ou émotionnels, pertes, telles que la perte d'un être cher ou d'un emploi, changements importants dans la vie, tels que un déménagement ou un divorce) et neurobiologiques. Elle peut être causée par une interaction entre des facteurs de risque génétiques et des facteurs de stress environnementaux, tels que les traumatismes, les pertes ou les changements importants dans la vie.

Il est difficile de prévenir la bipolarité complètement, car elle est souvent liée à des facteurs génétiques et neurobiologiques complexes. Cependant, il est possible de prendre des mesures pour réduire les facteurs de risque et pour améliorer la résilience face aux stress environnementaux. Cela peut inclure :

  • Une gestion du stress efficace, telle que la méditation ou la respiration profonde
  • Un soutien social solide, tel que des amis et des proches
  • Une prise en charge médicale régulière pour surveiller les symptômes et ajuster les traitements si nécessaire
  • Une alimentation équilibrée et une activité physique régulière
  • Prendre soin de son mental et de son corps

En un mot apprendre à prendre soin de soi et à faire appel à l'aide en cas de difficultés

Est-ce grave, docteur ?

La gravité de la bipolarité peut varier considérablement d'une personne à l'autre. Certains individus peuvent expérimenter des épisodes de manie ou de dépression légers et occasionnels, tandis que d'autres peuvent avoir des épisodes plus graves et plus fréquents.

Beaucoup de personnes célèbres ont souffert de troubles bipolaires dans ses différents modes d'expression. Là où il y a des lignes de faille, il y a aussi des lignes de force. L'hypersensibilité et la créativité côtoient facilement ces troubles. On peut les considérer comme faisant partie d'un rapport à soi et au monde particulier. L'important est de pouvoir trouver un point d'équilibre qui autorise cette créativité tout en assurant le confort et la sécurité de la personne.

La bipolarité peut avoir un impact significatif sur la qualité de vie, les relations et la productivité. Les épisodes de manie ou de dépression peuvent être débilitants et peuvent entraîner des conséquences graves, telles que :

Des problèmes de santé physique, tels que des problèmes cardiaques ou des troubles du sommeil
Des problèmes de relations, tels que des conflits avec les proches ou des difficultés à maintenir des relations stables
Des problèmes de travail ou d'école, tels que des difficultés à maintenir un emploi ou des problèmes de concentration
Des pensées ou des comportements suicidaires

La bipolarité est un trouble chronique et nécessite une prise en charge continue pour prévenir les rechutes et améliorer la qualité de vie. Avec le bon traitement et le soutien, il est possible de vivre une vie très épanouie et productive.

Certaines personnes qui vivent avec la bipolarité et qui ont atteint un équilibre grâce à un traitement et à un soutien adéquat peuvent souhaiter conserver certains aspects de leur trouble. Cela peut sembler paradoxal mais cela s'explique parce que la bipolarité peut etre associée à

- une créativité et une imagination accrues. Les personnes bipolaires peuvent avoir une pensée plus innovante et plus originale, ce qui peut être un atout dans leur travail ou dans leurs activités créatives. Certaines personnes peuvent craindre que le traitement de leur bipolarité puisse les priver de cette créativité et de cette imagination et il faudra avoir une réflexion tenant compte de cela afin que le traitement ne soit pas rejeté

- une intensité émotionnelle et une passion accrues. Les personnes bipolaires peuvent vivre leurs émotions de manière plus intense et plus profonde, ce qui peut être un atout dans leurs relations et dans leurs expériences personnelles.

- sensibilité accrue et à une empathie plus grande.

Ces aspects de la bipolarité ne sont pas nécessairement liés aux symptômes les plus graves du trouble, tels que les épisodes de manie ou de dépression.

Les personnes qui vivent avec la bipolarité et qui souhaitent conserver certains aspects de leur trouble doivent travailler avec leur équipe de soins pour trouver un équilibre entre la gestion de leurs symptômes et la conservation de leurs atouts. L'importance d'avoir un bon échange sur tous les aspects de la maladie, les mauvais comme les bons!

La bipolarité est un trouble complexe et multifacette. Chaque personne qui vit avec ce trouble est unique.

Il n'y a pas de réponse unique ou de solution universelle pour gérer la bipolarité, chaque personne doit trouver son propre chemin pour vivre avec son trouble de manière épanouie et productive.

Est-ce que ça se soigne?

Pour favoriser la stabilisation d'une personne bipolaire, il est important d'avoir une vision intégrative tenant compte de ces différentes approches

Traitement médical : Un traitement médical adapté, tel que des médicaments pour stabiliser l'humeur, est souvent nécessaire pour aider à contrôler les symptômes de la bipolarité.
La thérapie, telle que la thérapie cognitivo- comportementale (TCC) ou la thérapie psychodynamique ou la thérapie dialectique comportementale (TDC), peut aider à identifier et à modifier les pensées et les comportements négatifs qui contribuent à la déstabilisation.
Établir des routines et des habitudes régulières, telles que des heures de sommeil et de réveil fixes, des repas réguliers et des activités physiques régulières, peut aider à stabiliser l'humeur et à réduire les symptômes de la bipolarité.
Un réseau de soutien social solide, amis, famille et de professionnels de la santé mentale, peut aider à fournir un sentiment de sécurité et de stabilité. L'importance du collectif!!
Les approches psychocorporelles et la gestion du stress sont essentielles car le stress peut déclencher des épisodes de manie ou de dépression. Le corps est souvent un grand oublié et un grand négligé dans l'histoire
Un suivi régulier avec un professionnel de la santé mentale peut aider à identifier les signes de déstabilisation précoce et à prendre des mesures pour les prévenir.

Les groupes de pair aidant, encore trop peu nombreux dans nos pays, mais très répandus au Canada, permettent à des personnes souffrant de ces troubles de pouvoir s'autoréguler avec l'accompagnement d'un professionnel. Il peuvent même accompagner des diminutions de posologie progressive par une observation du patient beaucoup plus pointue et régulière que ne peut le faire le psychiatre
L'auto-observation et la prise de conscience de ses propres émotions, pensées et comportements peuvent aider à identifier les signes de déstabilisation et à prendre des mesures pour les prévenir et ainsi être rapportées dans les groupes de pair-aidant et/ou chez le thérapeute
Les activités créatives peuvent aussi aider à exprimer les émotions et à réduire les symptômes de la bipolarité.
Prendre soin de soi, en faisant des choses qui nous font plaisir, se recentrer, connaître et respecter ses limites, être un bon parent pour soi répare beaucoup de blessures du passé !
En traitement préventif, l'éducation et la sensibilisation à la bipolarité peuvent aider à réduire la stigmatisation et à améliorer la compréhension de la maladie.
Il est important de noter que chaque personne bipolaire est unique et que ce qui fonctionne pour l'une peut ne pas fonctionner pour l'autre.

et donc....

Et pour reprendre l'image du roller coaster, vivre c'est se sentir vivre, épouser les courbes de notre humeur avec beaucoup de tendresse et de bienveillance.

Sonder les profondeurs de l'âme, monter haut à en toucher les étoiles et apprendre à rester bien ancré, à se recentrer, à trouver les ressources qui nous mettent en lien avec le monde et avec nous-même. C'est l'exercice de toute une vie

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