"Dépathologiser", rendre le pouvoir aux histoires

Pierre Duray

Publié le .
Une assistante sociale en plus du psy : nécessité ou superflu ? L'ouverture du champ de l'accompagnement psychologique enrichit les pratiques de soin.
Thérapeute - Vision intégrative
L'intervention d'une assistante sociale dans un suivi thérapeutique déjà établi représente un atout considérable pour l'approche holistique du patient. En tant que thérapeute, je constate quotidiennement que les difficultés psychologiques sont souvent intriquées avec des problématiques socio-économiques, administratives ou relationnelles qui dépassent le cadre de la thérapie traditionnelle.
L'assistante sociale apporte une expertise complémentaire essentielle : elle peut identifier et lever les obstacles pratiques qui entravent la progression thérapeutique. Quand un patient ne peut se concentrer sur son travail psychologique parce qu'il est préoccupé par des difficultés de logement, des problèmes financiers ou des démarches administratives complexes, l'intervention sociale devient thérapeutique en elle-même.
Cette collaboration permet également d'éviter la confusion des rôles. Le thérapeute peut maintenir son cadre spécifique sans déborder sur des domaines qui ne relèvent pas de sa compétence, tout en s'assurant que son patient bénéficie d'un accompagnement global et cohérent.
Patient - Recherche d'autonomie
En tant que patient engagé dans un processus thérapeutique, l'ajout d'une assistante sociale dans le parcours de soin peut susciter des sentiments ambivalents.
D'un côté, il peut reconnaitre que certaines difficultés pratiques de sa vie quotidienne interfèrent avec son travail psychologique et qu'une aide professionnelle pourrait lui être bénéfique.
Cependant, il peut aussi ressentir une appréhension face à cette multiplication des intervenants. Il a investi du temps et de l'énergie à construire une relation de confiance avec son thérapeute, et l'idée d'intégrer une nouvelle personne dans ce processus intime peut le questionner. Il aura besoin d'être rassuré sur une communication entre ces professionnels, tout en préservant son intimité.
Par ailleurs, bien qu'il aie besoin d'aide, il peut craindre que cette intervention sociale ne soit perçue comme un aveu d'échec personnel ou ne le maintienne dans une position de dépendance. Il a besoin de comprendre clairement comment cette collaboration peut renforcer son autonomie plutôt que la compromettre, et avoir son mot à dire sur les modalités de cette prise en charge élargie.
Témoignage de Marie, patiente en suivi thérapeutique, qui a vécu l'intervention de l' assistante sociale, comme un véritable impact transformateur ayant marqué un tournant décisif dans son parcours de soins.
"En quelques semaines, l'assistante sociale a débloqué des situations qui me paralysaient depuis des mois. Elle m'a accompagnée pour négocier un échéancier avec mon propriétaire, m'a aidée à monter un dossier de demande d'aide au logement, et surtout, elle m'a expliqué mes droits de façon claire et rassurante."
Cette prise en charge concrète a libéré l'espace thérapeutique : "Une fois que mes problèmes pratiques ont commencé à se résoudre, j'ai pu vraiment me concentrer sur mon travail psychologique. Les séances avec ma thérapeute sont devenues beaucoup plus profondes et constructives. Je n'étais plus dans l'urgence permanente."
La coordination entre les deux professionnels est fondamentale: "Ils communiquaient entre eux, dans le respect de ma confidentialité, ce qui m'a donné l'impression d'être suivie de façon cohérente. Je me suis sentie vraiment prise en charge, pas abandonnée entre différents intervenants."
Point de vue pragmatique - Les missions concrètes de l'assistante sociale
Concrètement, l'assistante sociale peut prendre en charge une multitude de tâches pratiques qui libèrent l'espace thérapeutique des préoccupations matérielles du patient. Elle peut d'abord l'accompagner dans ses démarches administratives complexes : constitution de dossiers de demande d'aide sociale, négociation avec les organismes de sécurité sociale, accompagnement aux rendez-vous avec les services publics.
En matière de logement, elle peut l'aider à rechercher un hébergement temporaire ou permanent, à négocier avec les bailleurs, à constituer des dossiers de demande de logement social ou à faire valoir ses droits en cas de conflit locatif. Elle peut également l'orienter vers des services d'aide à domicile adaptés à ses besoins.
Sur le plan financier, l'assistante sociale peut l'accompagner dans la gestion de son budget, l'aider à identifier les aides auxquelles il peut prétendre (RIS, allocations familiales, aide au logement, CAAMI, BIM), négocier des échéanciers avec les créanciers ou l'orienter vers des dispositifs de surendettement.
Elle peut aussi faciliter l'accès aux soins en l'aidant à comprendre ses droits à la couverture maladie, à identifier les structures de soins adaptées à sa situation. Enfin, elle peut l'accompagner dans la recherche d'emploi ou de formation, le conseiller sur ses droits en matière de travail et l'orienter vers les dispositifs d'insertion professionnelle appropriés.
Le sujet vous intéresse ? Jetez un œil à ces autres articles récents.
Pierre Duray
Anne-Françoise Meulemans
Anne-Françoise Meulemans
Voir tous les articles