L'impact de la séparation sur les enfants
Sarah Balaes
Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwllllantysiliogogogoch
Connaissez-vous ce village ? Pouvez-vous nommer ce village ? Lettres venues d’ailleurs, imprononçables pour nous.
Il s’agit d’un beau petit village de notre époque, pas bien loin de chez nous, dans le pays de Galle. En 1991, on y dénombrait encore 3.101 habitants.
Le nom rappelle la planète d’Ikea, en pire !
Comment décrire l’imprononçable ? Comment prendre soin de ce qui n’existe pas dans le dictionnaire ? Comment prendre soin de ce qui n’est pas encore diagnostiqué ?
Des malins ont trouvé la parade : créer des maladies, que l’on met dans le dictionnaire et pour lesquelles on trouve des traitements. Maladies de mode, maladies d’un temps qui sont ensuite reléguées aux oubliettes car n’existent que dans l’imaginaire des soignants, ou des firmes pharmaceutiques : l’hystérie au temps de Freud, ou le trouble érectile, évolution normale de l’érectilité chez les hommes après 40-50 ans, mais nommé comme pathologie.
Mais il y a ceux qui souffrent dans le pays ou leur mal n’est pas nommé.
Tout un temps les dyslexiques et les dyscalculiques étaient considérés comme des idiots, des paresseux, des têtes dures faisant preuve de mauvaise volonté. Ils méritaient des châtiments à la hauteur de leur insolence : punitions corporelles, humiliations publiques, avec à la clef un bannissement de la classe.
Puis, le diagnostic est apparu au grand jour. On a compris ce qui se passait de particulier dans la tête de ces enfants, de ces adultes. On a compris l’étrangeté de leur fonctionnement par rapport à ce qui est normal, c’est-à-dire ce qui tombe dans la norme. Cette différence se manifeste sans doute par une difficulté dans l’apprentissage mais aussi par des talents dans bien d’autres domaines.
Des professeurs qui s’informaient ont pris la responsabilité d’adapter leurs cours. Très souvent, ils l’ont fait au début dans une grande solitude avec aussi peu de reconnaissance que les dys en avaient reçu.
Image miroir où les personnes en souffrance et les soignants ne sont pas reconnus.
Ensuite, on a reconnu les dyspraxiques. Reconnaissance certainement bien plus difficile encore, tant par la particularité et la diversité de la symptomatologie que par la complexité de la prise en charge. Nous n’en sommes encore qu’aux prémisses, aux premiers pas diagnostiques et thérapeutiques.
Puis les TDH, les TDHA.
Là, on a retrouvé cette même tentative du corps médical, sous l’emprise de l’industrie pharmaceutique, d’enfermer un nombre exorbitant d’enfants dans l’étiquette de troubles de l’attention.
À qui profite le crime ? À l’industrie pharmaceutique, à certains pseudo ‘experts’, à toute une littérature. Et voilà une nouvelle victime : l’enfant TDH qui a réellement besoin de cette aide de type psychoéducative et parfois médicamenteuse.
On a voulu, et on veut encore, élargir la maladie : rendre psychiatrique l’impertinence, ou la rêverie des enfants.
Les remettre dans la norme, parce que les parents sont épuisés, parce que la société est malade.
Plutôt que de questionner les parents, et surtout la société, traitons les enfants. Avoir des enfants calmes à la maison, calmes à l’école.
Il n’y a heureusement pas que cette caricature. Tellement d’enfants ont pu mener une scolarité grâce à un traitement médicamenteux, et grâce à la reconnaissance de leur difficulté.
Enfin les enfants HP.
Curieusement, l’école a plus de difficulté à intégrer les enfants HP que les enfants dys.
Ils n’ont qu’à s’adapter !
Autant les Dys souffrent d’une reconnaissance de leurs talents, autant les HP souffrent d’une reconnaissance de leurs difficultés.
Sans doute soulèvent-ils d’autres émotions, la jalousie des élèves ou des autres parents, le challenge parfois difficile pour les enseignants qui trouvent en classe des puits de connaissance.
Mais il s’agit aussi d’enfants avec une hypersensibilité, une hyperadaptation qui les met au bord de leur propre précipice et /ou d’une difficulté relationnelle.
Tous ces enfants sont une chance pour la société comme pour l’enseignement.
La connaissance, et la reconnaissance, par la société et les professeurs de ces spécificités, et d’outils pédagogiques en rapport avec celles-ci ouvrent le champ de la pédagogie à tous les enfants.
Il n’y a pas les enfants bizarres d’un côté, et les enfants normaux de l’autre.
Tous les enfants sont particuliers, bizarres sous certains aspects, et normaux, ou habituels sous d’autres.
La reconnaissance de l’enfant dans toute sa multiplicité permet la reconnaissance et l’épanouissement de l’adulte dans tous ses possibles.
Ainsi la société grandit, elle recouvre sa santé.
Elle retrouve des couleurs, celles de la diversité des individus qui la composent.
Et pour finir cet exposé, chers lecteurs, savez-vous ce que veut dire ‘Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwllllantysiliogogogoch’ ?
"L’église de Sainte-Marie dans le creux du noisetier blanc près d’un tourbillon rapide et l’église de Saint-Tysilio près de la grotte rouge".
Ainsi il en va des enfants bizarres.
Derrière un décryptage, se trouve tout un monde poétique, un monde qui nous révèle à nous-mêmes, un monde auquel on accède par un chemin buissonnier.
Quand on prend le temps des détours, le temps d’un détour sur soi-même, d’une belle ellipse, qui nous surprend.
Comme lorsque dans une errance au travers un paysage inconnu, on se perd et tout à coup…
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Sarah Balaes
Pierre Duray
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