L'impact de la séparation sur les enfants
Sarah Balaes
Une société avec de grandes inégalités de salaire crée-t-elle des troubles mentaux spécifiques? Sans doute la première cause des troubles mentaux est l'existence de très grandes différences de salaire, impliquant des conditions de vie très différentes, sur le spectre qui va du plus total dénuement aux grandes fortunes. Dans ce spectre, on trouvera des difficultés psychiques spécifiques que l’on peut corréler au niveau de salaire.
Nous vivons dans un système, notre société où toute injustice, tout dysfonctionnement a des effets systémiques, en amont sur le biotope, cad l’environnement où se développe le système, en aval sur les individus le composant, et sur les autres systèmes, cad les autres sociétés.
Tout cela ne fonctionne pas en vase clos…
Le société est un système qui est impacté par les individus qui la composent et par l’état du monde qui l’entoure.
De même, la société impacte le monde et les individus
Dans un système ouvert, la santé n’a pas de prix! Mais dans un système fermé….c’est tout différent.
Toute dépense pour la santé impacte les autres dépenses: la santé a un coût relatif.
Quel équilibre fragile faut-il choisir entre l'intérêt de la société et celui de l’individu?
Prioriser la santé d’une population, en ne sacrifiant pas celle des individus (cf confinement en Chine, dans le cadre du COvid), ou
Prioriser la santé individuelle, dans un esprit d’équité pour toutes les personnes faisant partie de cette société.
Impacts de la précarité sur la santé:
Le niveau économique de chaque famille, de chaque individu impacte directement sa santé physique et mentale.
On ne compte plus les études démontrant un lien entre le niveau social, la pauvreté et l’état de santé physique (taux de morbidité: diabète, addictions, obésité et taux de mortalité) et mental (troubles psychiques, impact de la précarité sur la santé mentale.
Une vision du monde de la santé mentale et physique qui ne tient pas compte des facteurs environnementaux et des facteurs sociaux, est une vision parcellaire qui se prive d’un pan important de la médecine dont on parle de plus en plus: la médecine préventive.
Cette médecine tient compte des différentes facteurs impactant la santé, et aborde la santé dans une vision plus systémique de multi causalité..
Les intervenants directs, cad le monde des soignants, médecins, infirmiers, éducateurs de rue, assistants sociaux et psychothérapeutes observent au sein de leur cabinet les conséquences de la précarité.
Certains plus que d’autres en fonction du type de patientèle et des régions où ils travaillent. Certains cabinets chics ne connaissent pas la crise…la précarité ne fréquente pas leurs salles d’attentes.
L'exclusion de ces cabinets vient déjà du style du cabinet qui s’adresse à telle ou à telle autre patientèle.
Prendre un rdv, aller au rdv fixé à la date prévue, pouvoir attendre dans une salle d’attente, pouvoir se raconter en consultation, pouvoir être entendu, rencontrer une écoute empathique et un discours adapté, pouvoir payer la consultation, pouvoir payer la pharmacie, pouvoir suivre le traitement, pouvoir suivre les conseils pour une hygiène de vie meilleure, n’est pas à la portée de tous.
Il y aura un ou des bugs lors de ces différentes étapes, en fonction du milieu social et donc aussi des moyens financiers.
Moins de moyens pour les frais de santé, mais aussi pour l’éducation qui impacte indirectement l’état de santé, trop peu de moyens pour lutter contre les troubles de l’apprentissage, le décrochage scolaire, pour favoriser les activités parascolaires chez les plus démunis, autant de facteurs d’inégalité.
La dévalorisation sociale impacte la vie des enfants dès leur plus jeune âge, par des signes extérieurs de pauvreté ( choix vestimentaires, collations inégales, cartable abimé, pas d’argent pour les voyages scolaires, le choix de l’école), par des signes extérieurs de richesse( lorsque l’on entend le récit des sports d’hiver, de sports coûteux, très beaux cartables, une belle maison, où on invite pour les anniversaires…).
Le démarquage social se concrétise très tôt avec ses impacts: renforcement ou affaiblissement de l’image de soi, un combat au quotidien pour ceux qui ont moins.
On peut bien sûr absorber des inégalités
Nous ne vivons pas dans un monde de bisounours. Mais la société devrait jouer davantage un rôle de régulateur social, afin que les enfants, dès leur plus jeune âge puissent se développer, avec des chances égales.
Il est remarquable, en consultation de psychothérapie, de voir à quel point les adultes se rappellent de manière très traumatique, comme si c’était hier, des frustrations et blessures (exclusion, dévalorisation..) vécues dans leur enfance, et créées par les différences sociales.
Soigner le psychisme des gens sans tenir compte de ces facteurs sociaux, n'est pas vraiment soigner, pire même, c’est collaborer à un système qui met le spot sur l’individu questionné en consultation, sans tenir compte de la violence du biotope dans lequel il évolue, sans nommer les démons contre lesquels, ou avec lesquels il doit lutter.
Trop peu d’argent impacte la santé physique et mentale.
L’excès nuit en tout.
Trop d’argent impacte également la santé physique et mentale. Le trop crée de nouveaux soucis qui généreront des stress, de trop manger, de trop travailler pour gagner plus d’argent mais également un sentiment d'irréalité, car le vécu artificiellement entretenu par la richesse éloigne du quotidien d’une majorité de gens.
Si l’argent rendait heureux, ça se saurait. Les cabinets de consultation privée fermeraient les uns après les autres.
Car la notion de trop, ou trop peu est très relative, et conditionnée par les images de fantasme publicitaire nous poussant à un comportement de croissance à une consommation du toujours plus, une valorisation individuelle qui passe par l’argent, une sublimation d’un ego boursouflé et du narcissisme au travers des média
L’argent rend arrogant, aggrave la dominance, boursoufle l’ego jusqu’à l’obésité, et à la cécité.
L’argent est un grand déstructurant, car il amène l’ennui, l’inutilité, une quête de sens qui doit se jouer ailleurs que dans le quotidien.
L’argent isole, crée des castes, on se rencontre entre gens de mêmes salaires. Comment raconter à un ami qui peine à boucler ses fins de mois, la magnificence de son dernier trip en Tanzanie? Comment se plaindre d’avoir perdu en bourse auprès d’un voisin qui ne connaît pas le carnet d'épargne?
Il y a nécessité de créer des castes, des entre sois.
Comment peut-on se sentir solidaire quand son quotidien est indécent par rapport à la moyenne?
L’argent crée le mythe du bonheur qui ne se supporte qu’avec l’existence des pauvres.
Quel est l'intérêt d'être riche dans un monde de riches?
La richesse n'existe que dans le contraste cad l’inégalité sociale. Se pavoiser dans le regard des envieux, de ceux qui n’ont pas mais qui aimeraient et imaginent que la richesse rend heureux.
A défaut d'être heureux, autant être heureux dans le regard des autres, regard que l’on va intérioriser bien méchamment pour être les premier dupes de ce mensonge social.
La duperie ne franchit pas le cabinet de consultation, où pleurent de la même manière mais de maux différents riches et pauvres.
L’argent ne rend pas heureux, mais les inégalités sociales rendent malheureux les plus défavorisés, sans rendre pour autant heureux les plus favorisés.
On fonctionne dans un système de caste, où l’ascension à la caste supérieure crée un bonheur éphémère, le temps que le corps, le mental s'habituent.
Avant même cette ascension, c'est le fantasme de la caste supérieure (N+1) qui peut nous animer, en bien, car nous motive, nous fait rêver, et en mal, car produit un sentiment de frustration, de jamais content, jamais assez..
Ceux qui ont la chance(,) de passer une semaine dans un hôtel, se rendent compte comme il est facile de s'habituer au confort de ne plus cuisiner. Cette habitude diminue le plaisir.
Une fois dans cette caste N+1, le temps passe, et de nouvelles frustrations pointent leur nez, le fantasme de la caste suivante nous agite, nous turlupine, de nouveaux projets nous animent, avec l’orgasme du franchissement, cet orgasme qui se dissipe de plus en plus vite, et qui génère de travailler plus, d'amasser plus, et de s’angoisser plus.
Ce mythe ascensionnel, nous fait perdre le goût des autres, le goût du simple, des rencontres avec soi, avec l’autre. Il nous agite fébrilement et nous fait perdre du temps.
Le loisir se retrouve dans des zoos , que l’on appelle vacances, avec un quotidien que toute fantaisie a déserté.
La croissance s’accompagne d’un immense vide caché par l’abondance, par le bruit, par le trop.
C’est un gros corps obèse qui pleure sa solitude, tout au fond de soi.
Comment contrecarrer ce système qui éjecte les uns et propulse les autres.
Comment faire autrement tout en appartenant à cette société?
Vivre à contre-courant, viser la décroissance qui est un symptôme positif du Mieux-Vivre pour tous.
La croissance du matériel et de la richesse est supportée par la décroissance de la solidarité, de l’humanité des gens.
Symptômes des pauvres? stress financier, anxiété, insomnie, dépression secondaire, peu d’accès aux traitements, aux soins, addictions, quête de sens, épuisement professionnel, peu d’accès à la prévention, moindre choix de sources d'épanouissement, honte, culpabilité, mauvaise image de soi, image de looser, le regard social négatif qui leur renvoie une mauvaise image, isolement social, solitude.
La pauvreté peut aussi être la conséquence d’une vulnérabilité psychique personnelle, familiale, ou liée à des événements de vie. Il est important d’intégrer la prise en charge visant plus d’autonomie dans une approche globale et pragmatique.
Symptômes des riches? stress financier, anxiété, insomnie, dépression secondaire, peu d’accès aux traitements, aux soins, addictions, quête de sens, épuisement professionnel, pourquoi se lever le matin, besoin de remplir le vide par de la consommation de loisirs, de matériel, de gagner plus… peur de perdre, de gagner moins, perte d’un rapport à une réalité plus tangible.
Dans tous les cas, les symptômes sont les mêmes mais les causes et les récits diffèrent.
A quoi bon gagner tant car au bout du compte l’image du bonheur qu’on nous vend reste un mirage…par définition inaccessible.
Le bonheur est sans doute la plus grosse embrouille de ce siècle. Indéfinissable, on peut tout dire et tout vendre en son nom.
Ce que l’on peut mesurer c’est le gain en terme de bien-être, en terme d’humeur, d’anxiété, d’autonomie.
L’état névrotique est inhérent à toute vie, la réponse n'est pas qu’individuelle, mais aussi sociétale, en mettant en avant, la solidarité, le respect , la bienveillance et la responsabilité de chacun.
Toute personne est névrosée, et a un potentiel névrotique qu’elle développe plus ou moins avec talent…tant pis pour les plus talentueux…
Le travail thérapeutique est il de transformer cette faille profonde qui nous agite et nous fait vivre, en une force fragile qui nous fait grandir, nous et la société dans laquelle on évolue.
Dès plus pauvres aux plus riches, le but de toute approche thérapeutique vise à maintenir l’autonomie ou à gagner en autonomie.
La thérapie seule ne suffit pas quand les grandes disparités sociales viennent contrecarrer les efforts et les projets des soignants et de leurs patients.
Comment aborder la sécurité lorsque l’on vit dans la rue?
Comment parler de sérénité quand on est victime d'injustice sociales
Comment parler de respect de soi quand la société ne donne pas les mêmes droits à chacun.
Comment se projeter quand la société vit un déni de mort, et met ses priorités sur le côté?
Comment parler de bienveillance quand la société semble avoir abandonné certains de ses citoyens.
Le cadre thérapeutique va bien au-delà du cabinet médical, ce cadre s’inscrit dans la société.
Sans ce cadre cohérent, le travail thérapeutique tout au mieux panse les plaies, et tout au pire, quand il ne dénonce pas, il collabore au système, lui offre un exutoire pour éviter que les âmes en peine explosent et permet à ce système bancal de fonctionner.
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Pierre Duray
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