La thérapie, une pratique située : quand le lieu et l’époque façonnent notre manière d’accompagner

Le contexte, une matrice que l’on oublie trop vite

Aucune approche ne naît dans le vide.

Elle a un climat, une géographie, une époque. Elle raconte quelque chose du monde qui l’a façonnée et c’est précisément ce qui lui donne sa couleur, son style, parfois même son efficacité.

L’hypnose ericksonienne est née sous le soleil de l’Arizona et dans une culture pragmatique valorisant l’individualisme et la débrouillardise. Ce qui a amené la notion « d’orientation solution ».
L’approche narrative est imprégnée du souffle océanique de la Nouvelle-Zélande, de cette manière si particulière de concevoir l’identité comme un tissu de relations et de récits partagés.
Les pratiques psychocorporelles californiennes sont le reflet d’une époque où l’expression et la libération du corps devenaient un langage en soi.

Ces approches ont été sculptées par un environnement géographique, social et philosophique.
Comme un vin porte la signature de son terroir, une thérapie porte la signature de son monde d’origine.

Pourquoi cela change tout

Une méthode fonctionne quand elle résonne.
Et cette résonance n’est jamais abstraite : elle dépend de ce qu’une personne reconnaît comme légitime, rassurant, crédible ou inspirant.

Le contexte culturel donne le cadre :

• De ce qui est pensable,
• De ce qu’on peut dire ou garder sous silence,
• De la manière de se percevoir et de raconter son histoire,
• De la place qu’on donne à l’émotion ainsi qu’au corps,
• De la façon dont on conçoit le changement.

Ainsi, une même technique peut être brillante dans un environnement et passer à côté dans un autre.
Non pas parce qu’elle est “moins bonne”, mais parce qu’elle ne parle pas la langue intime du lieu.

Le thérapeute aussi est une expression de son terroir

On l’oublie souvent, mais le praticien est lui aussi façonné par ses paysages intérieurs :
ses origines, sa culture, la nature qu’il traverse, les récits qu’il porte, l’époque qui l’a formé.

Un thérapeute issu d’un univers rural n’écoute pas le monde comme celui qui vient d’un environnement urbain.
Celui qui a grandi dans une culture où le collectif prime n’aborde pas la souffrance de la même manière que quelqu’un éduqué à l’autonomie.

Ce n’est pas un biais : c’est une ressource.
À condition d’en être conscient et de l’assumer comme un matériau vivant de notre pratique.

Vers une thérapie repensée comme une pratique contextuelle

Lorsque l’on accepte que la thérapie est située dans un lieu, dans un temps, dans une culture, quelque chose s’ouvre.

On cesse de chercher une méthode “pure”, décontextualisée.
On s’autorise une pratique plus écologique, plus ajustée, plus incarnée.

La question n’est plus « Quelle est la meilleure technique ? » mais plutôt « Quelle rencontre est possible ici, maintenant, entre l’histoire de cette personne et la mienne ? »

Deux terroirs qui se rencontrent

La thérapie devient alors une rencontre entre deux territoires : celui du thérapeute et celui de la personne qui vient consulter.
Deux histoires, deux paysages intérieurs, deux façons de se tenir dans le monde.

C’est dans cet entre-deux dans cette zone où les terroirs se parlent que quelque chose peut bouger, s’apaiser, se réinventer.

Et peut-être que la thérapie la plus « juste » est simplement celle qui accepte que nous appartenons toujours à un lieu, à une époque, à un monde et c’est à partir de là que nous pouvons accompagner.