L'impact de la séparation sur les enfants
Sarah Balaes
Que signifie ‘être médecin’ ?
La médecine est loin d’être une science exacte car elle touche à l’humain. Les vérités médicales se suivent et ne se ressemblent pas. Parfois, elles se contredisent. Une vérité certifiée par des études cliniques peut être plus tard infirmée par d’autres études. Ce que l’on met sur le marché un jour, s’en voit retiré le lendemain. De nouvelles vérités et leurs révélations apparaissent la même conviction chaque jour. Certaines d’entre elles ‘vraies’ maintenant, seront contredites demain par de nouvelles études.
Il y a, bien sûr, en médecine, un champ de connaissances suffisant pour amener des résultats validés. C’est une grande qualité de notre médecine occidentale que d’avoir pris la voie scientifique afin de comprendre le corps humain, son fonctionnement, ses pathologies, et les traitements éprouvés par les études.
La connaissance de la maladie et des traitements, quoique nécessaire, ne suffit pas.
Les médecins ont été bien inspirés de reconnaitre que la science avait une place dans leur pratique, place nécessaire mais non suffisante.
Une grande partie de celle-ci relève plus d’un art, celui de l’intuition, de la communication, de la capacité à créer de la qualité dans sa relation avec le patient : L’Art de guérir. Elle donne à la consultation tout son sens, toute son efficacité, objectif premier de tout médecin.
Depuis longtemps les médecins prêtent le serment d’Hippocrate: ‘Primum non nocere’.
D’abord ne pas nuire, cela comprend ne pas prescrire de médicament pour lequel le rapport cout/ bénéfice n’est pas en faveur du patient.
Tout comme le violoniste apprend à affiner sa technique afin de rendre aux notes l’âme qui les habite, le médecin, aussi talentueux soit-il, a également besoin d’apprendre la technique de l’art de guérir, de la travailler afin de rendre âme à sa consultation, c’est-à-dire une consultation animée de cette qualité de relation thérapeutique.
Au-delà de la question de l’éthique fondamentale à la pratique de la médecine, il s’agit aussi d’une vérité scientifique avérée dans diverses études sur le placebo : la consultation médicale gagne en efficacité. Le médecin et son patient en sortent gagnants, le médecin conscient de l’impact réel qu’il a sur l’état de santé de son patient, et le patient confiant dans une prise en charge dans laquelle il se retrouve.
Vérité scientifique car un nombre important d’études le confirment. Cfr Sens, médecine, et l’effet placebo Moerman, Cambridge University presse 2002 et L’effet placebo: comprendre les mécanismes dans la santé et la maladie F. Benedetti, Oxford University press, 2009.
Un médecin qui prend du temps, qui y met du cœur (de l’amour), de l’attention, un médecin qui prend soin (who care’s !) de lui-même comme de son patient, augmente les résultats de tout traitement proposé. Parfois même il peut se passer d’autres traitements. La consultation devient le traitement.
Un mot souvent mal compris, souvent redouté caractérise la puissance de cet effet dans le traitement : l'effet placebo ‘Je plairai’…ou ‘je comblerai les attentes’. Il tient de la suggestion, du conditionnement, de l'empathie, de la bienveillance, de l’humour, de la grande confiance que le médecin a dans la capacité de son patient à guérir, et dans sa capacité à lui, médecin, de pouvoir l'aider. Il s’agit de contaminer le patient avec cette croyance inébranlable qu’il a dans la puissance à guérir et à se prendre en charge.
Qu’est-ce donc l’effet placebo? En deux mots. Il faut distinguer le placebo, substance inerte, et l’effet placebo que l’on peut noter pour tout traitement. Il fait partie de l’efficacité d’un médicament. Cette efficacité est constituée de trois entités : 1.l’effet ‘pur ‘ de la molécule chimique’, 2. l’évolution naturelle de la maladie, et 3. l’effet placebo. L’effet placebo s’articule autour de la suggestion, des attentes, de mécanismes de conditionnement, et de la qualité de la relation avec le médecin.
L’effet placebo peut dans de nombreux cas expliquer à lui seul l’efficacité des médicaments. La majorité des situations rencontrées en médecine générale ne nécessitent pas de traitement.
Dans d’autres cas, on atteint la même efficacité avec un placebo qu’avec une molécule chimiquement reconnue comme efficace, ex : dans les dépressions légères. Tout dépendra de la fréquence et à nouveau de la qualité de la relation médecin-malade.
L’effet placebo se manifeste même si le patient est informé qu’il prend une substance placebo….
Il est regrettable qu’au vu de cet effet, l’INAMI ne reconnait pas le temps d’écoute comme une plus-value pour la consultation, alors que de nombreux actes techniques plus ou moins efficaces sont valorisés dans le remboursement.
Il y a là aussi un déni de cette efficacité thérapeutique, qui permet pourtant de réduire les dépenses des patients, les dépenses de la sécurité sociale et les effets secondaires.
Le médecin, homme de savoir, ‘homme de science’, peut continuer à délivrer la bonne pilule à défaut de la bonne parole, au patient peut-être parfois infantilisé. Et pourquoi pas ?
Question d’éthique, d’évolution des mœurs, le patient se responsabilise et devient l’acteur de sa propre santé.
Mais aussi question de sous ! Ces prescriptions de médicaments parfois inefficaces coutent cher.
Le placebo est intimement lié à l’art de guérir.
Il est indispensable d'avoir une formation psychothérapeutique pour pouvoir pratiquer l’art de guérir.
Si cet art est absent, la relation médecin-malade peut ne plus se révéler thérapeutique du tout. Parfois même traumatique, tant l’absence de bienveillance, l’absence d’empathie pour des patients en difficulté (ce qui est généralement la définition du patient qui consulte) est violente.
Nous connaissons tous des récits de patients qui se sont sentis pour le moins pas écoutés, voire méprisés ou jugés. Cela ne relève pas du mandat du médecin. De plus, ces comportements sont contreproductifs en termes de soins, et compliance. Si le médecin est ignorant des techniques thérapeutiques qui sous-tendent l’art de guérir, et s’il n’a pas un sens inné de la relation, il fait rentrer la violence au sein même de sa consultation.
À quand une formation continue en psychothérapie pour les médecins ?
Une formation visant trois objectifs :
1/ Elle permet un premier garde-fou pour le médecin par rapport à lui-même. Le médecin écoute, se plonge dans tant d’histoires de vie, à côté de l’histoire de sa propre vie. Il n’a pas toujours la capacité de pouvoir les assumer. Le médecin doit pouvoir prendre soin de lui, avant même de soigner son patient.
2/ Elle l’aide à mener une consultation plus ‘efficace’, plus gratifiante pour lui comme pour son patient. Des techniques de communication lui permettront d’exceller dans l’art de guérir, dans l’art du placebo.
3/ Le médecin pourra diriger en connaissance de cause ses patients vers les psychothérapeutes adéquats tenant compte des problématiques qu’ils rencontrent.
Ceux qui désirent se former davantage aux techniques psychothérapeutiques pourront proposer aux patients une écoute thérapeutique éclairée, soutenir des entretiens motivationnels.
La pratique de la médecine a tout à gagner à s’humaniser. Fort est à parier que de nombreux patients ‘déçus’ par la médecine allopathique d’antan et qui se sont tournés vers des techniques dites parallèles se retrouveront à nouveau dans cette pratique médicale éclairée.
Les médecins trouveront, eux, plus de gratification à pratiquer une médecine qui prend soin d’eux et qui s’ouvre à d’autres modes d’interventions thérapeutiques.
J’aime imaginer que ce temps d’écoute sera reconnu par l’INAMI, et permettra aux médecins de travailler dans des conditions de consultation satisfaisantes. Dans cette vision globale de la santé, le patient se sentira mieux reconnu, deviendra plus acteur.
Le médecin se réjouira chaque jour de pratiquer cet art magnifique, en évolution constante qu’est celui de guérir, et de soulager.
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. »
Je connais des cordonniers bien chaussés, tout espoir n’est pas perdu….
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